Un projet "assez flou et rempli d'incertitudes", "sous des aspects aux airs ambitieux". Voici comment les enseignants du primaire, regroupés dans le collectif des Dindons de l'Education, qualifient le projet de loi d'orientation et de programmation pour l'école dévoilé jeudi par le gouvernement. Dans un "petit inventaire non exhaustif", le collectif liste aujourd'hui la liste des "incompréhensions" et "interrogations" que soulève ce projet.
Les Dindons s'interrogent notamment sur les 7 000 nouveaux postes promis par le gouvernement dans le cadre de l'objectif du "plus de maîtres que de classes".
"Qui seront ces maitres en plus, est-ce que ce seront des postes à profil ou des postes figurant au mouvement ? Quelles écoles bénéficieront de ces maitres en plus ? Sur quels critères ? De quelles manières ces maitres interviendront dans les écoles ?... Intervention dans les classes ? Prise en charge de petits groupes ?", questionne le collectif, pour qui le projet de loi ne précise pas ces aspects.
En outre, les Dindons soulignent que "7000 postes sur 5 ans ça fait en moyenne 1400 postes par an et donc en moyenne 14 postes par département par an ... donc très peu", et soulèvent la question du devenir des RASED, dont les missions sont assez proches de celles de ce nouveau dispositif. Ils s'étonnent d'ailleurs que "ce projet de loi qui se veut ambitieux ne parle pas ou très peu de ces dispositifs spécialisés que sont les RASED, les CLIS, CLAD, SEGPA, ITEP, CLIN", des "éléments essentiels pour la prise en charge des difficultés des enfants et celle des élèves porteurs de handicap".
Le collectif déplore la transformation de l'aide personnalisée en "activités pédagogiques complémentaires", prévue par l'annexe du projet de loi. "Les enseignants rejetaient massivement le dispositif de l'aide personnalisée... Pourquoi ne pas les avoir entendus et avoir transformé cette aide en APC ?", interroge-t-il.
De plus, le "projet de loi ne donne pas d'informations sur le volume horaire de ces APC", relèvent les Dindons. Ce projet "dit aussi 'Les APC sont des projets pédagogiques portés par l'école ou le projet éducatif local'. N'y a-t-il pas un risque de voir les communes décider de l'organisation de ces APC, de leurs horaires et du nombre d'élèves à prendre en charge ? Et donc de voir de grandes inégalités de mise en place selon les communes ?"
"N'est-ce pas manquer d'ambition que de confier l'éducation de nos enfants, de nos futurs citoyens européens à des enseignants déclassés de 'profession intermédiaire' ?" ironise le collectif, en référence au rapport publié par la DGAFP considérant que les PE exercent une 'profession intermédiaire' et non 'intellectuellement supérieure' comme les professeurs du second degré.
"Le ministre avoue lui-même que les enseignants de ce pays sont mal payés et qu'il serait digne de les payer davantage... or à aucun moment dans le projet de loi la question d'une revalorisation de notre statut n'est évoquée", déplore-t-il.
"Le point d'indice a été gelé, nos salaires bruts n'ont donc pas évolués", alors que "notre charge de travail elle par contre augmente", affirment les Dindons, évoquant "toujours plus de documents administratifs à remplir, des dossiers pour comptabiliser nos 108h[...], des PPRE, des PPS, des PPI" et "toujours plus de réunions".
Déplorant le manque d'informations au sujet d'une éventuelle revalorisation liée au retour à la semaine de 4,5 jours, les Dindons interpellent le ministre : "les enseignants devront-ils encore voir leur pouvoir d'achat diminuer en acceptant de se rendre une demi-journée supplémentaire sur leur lieu de travail [...]sans compensation ?".
Selon le collectif, enfin, ce projet de loi "ne précise pas de quelle manière, ni quand seront repensés les programmes et surtout il n'aborde pas le point essentiel pour beaucoup d'enseignants à savoir la baisse des effectifs par classe". Pour eux, il n'est "pas à la hauteur des espérances".