Les enseignants peuvent suivre des cours pour mieux gérer leurs classes et faire face à des élèves turbulents ou violents. Nous avons assisté à la première session, en présence de profs
volontaires.
C.P. | 15.12.2009, 07h00
Comment obtenir le respect des élèves, concilier discipline et dialogue avec des adolescents ? Pour la première fois, enseignants et proviseurs peuvent réfléchir ensemble sur toutes ces
questions, échanger leurs doutes et leurs recettes. L’académie de Créteil avait lancé les conférences « tenue de classe » généralisées cette année en septembre pour tous ses néo-titulaires.
Depuis vendredi, la formation, déclinée sous forme de deux séminaires à trois mois d’intervalle, est proposée aux établissements du secondaire qui en font la demande. Une initiative menée sous
l’égide de l’Université de tous les savoirs (série de conférences gratuites), son « patron », le philosophe Yves Michaud, et le jeune prof de banlieue, Sébastien Clerc. Le ministère de
l’Education nationale a donné son aval pour une première série de dix séances qui se tiennent au sein de différents établissements de la région parisienne.
«On m’a bousculé », « on m’a craché dessus », « j’ai été baptisé au stylo à encre »… « L’Education nationale est ainsi faite qu’elle organise la rencontre entre les profs les plus débutants et
les publics les plus remuants : mes premières années ont été difficiles. » Quelques mots suffisent à dérider la salle. Avouant dans la foulée qu’il lui arrive encore d’être chahuté, Sébastien
Clerc met l’auditoire à l’aise.
Si le jeune prof de lettres et d’histoire en lycée professionnel au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) s’adresse ce vendredi à un parterre d’enseignants, ce n’est pas en sauveur universel venu
donner « la » solution. « Quand on parle de tenue de classe, la recette miracle n’existe pas », prévient-il, avant de livrer les astuces (lire ci-dessous) échafaudées au fil des ans ou piochées
chez de plus aguerris : cours de politesse, note de sérieux, ou encore comment ne jamais tourner le dos à la classe ! Pendant trois heures, on évoque librement, entre collègues, les trucs pour
éviter le chahut systématique, tenir les élèves en les intéressant, canaliser sa propre colère d’adulte bafoué par un ado remuant ou franchement insolent.
Vingt-cinq profs ont répondu à l’invitation, pour cet après-midi de séminaire, premier du genre sur le respect. Dans la salle de cinéma du lycée Ravel, associé pour l’occasion à la cité scolaire
voisine d’Hélène-Boucher, à Paris (XX e ), on trouve surtout des femmes. Tout sauf débutantes. Hyperattentives : on a même sorti les stylos pour prendre des notes. « Quand j’ai commencé, j’aurais
tellement aimé qu’on me donne des trucs ! » applaudit l’une d’entre elles, vingt-cinq ans de métier et un emploi du temps partagé entre Ravel et un lycée professionnel. Les proviseurs des deux
établissements en sont aussi. « En soi, déjà, un signe que tout n’est pas perdu », observe le philosophe et organisateur Yves Michaud. Une petite révolution, dans un milieu où l’on tend encore à
étouffer ses difficultés. Car avouer aux collègues et aux proviseurs qu’on s’est fait chahuter se vit encore souvent comme un aveu : le risque de se voir jugé faible, mauvais prof.
« Qu’on le veuille ou non , nous avons un rôle d’éducateur »
«On a tous besoin de conseils pour exercer notre métier, qui devient de plus en plus difficile ! » lance Donatella Pointereau, « patronne » du lycée Ravel depuis la rentrée. « Même si mon
collège-lycée, qui a la chance d’avoir beaucoup d’élèves agréables, n’est pas violemment en proie à la dégradation des relations avec les adultes, nous sommes, comme partout, confrontés à des
anicroches », renchérit Olivier Minne, proviseur d’Hélène-Boucher. La preuve : il présidait hier le conseil de discipline d’un élève qui a insulté un prof.
« A tout bout de champ, les élèves, alternativement surexcités ou totalement déprimés et avachis sur leurs tables, me disent :Madame, vous n’avez pas le droit. Le devoir, ils ne connaissent plus
! » se plaint une enseignante de seconde, qui reprend le métier après douze ans de pause. « Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui c’est un fait, nous avons un rôle d’éducateur dans notre métier »,
répond Sébastien Clerc. « Ça prend du temps, mais c’est aussi passionnant. » Rendez-vous dans trois mois, si les professeurs le souhaitent, pour rediscuter ensemble des réflexions et évolutions
de chacun, une fois retourné seul au front, devant ses classes.
Le Parisien 15-12-09