Le respect de l'autre et l'empathie, ça s'apprend!

IL SE CONDUIT COMME UN TYRAN DANS LA COUR DE RéCRéATION, SE BAGARRE AVEC LES ENFANTS RéCALCITRANTS à SON AUTORITé... MAIS LE RESPECT DE L’AUTRE ET L’EMPATHIE, çA S’APPREND !


« Mon fils, qui a 4 ans, est un véritable petit dur. Il se bagarre souvent dans la cour de récré et fait régner la terreur. La maîtresse me dit qu’il se comporte comme un chef vis-à-vis de ses camarades. Je suis d’autant plus étonnée, car même s’il est un enfant remuant, il n’est pas comme ça à la maison... » Mathilde, 33 ans, Nantes

RÉPONSE D'UN SPÉCIALISTE Béatrice Copper-Royer Psychologue, Paris
L’entrée à l’école maternelle est une étape importante. Quel que soit le mode de garde qui la précède, à la maison, chez une nounou ou, dans une moindre mesure, à la crèche, l’enfant quitte un cocon et s’en va, seul, affronter un univers inconnu. Il va être « un » parmi les autres du même âge, et va devoir peu à peu apprendre, dans cette communauté, les rudes lois du groupe.
Pour certains, cela se passe sans encombre, ils s’adaptent et profitent pleinement de ce lieu nouveau qui élargit leur connaissance du monde extérieur et d’eux-mêmes, leur montrant leurs forces et leurs limites.
Pour d’autres, il en va tout autrement : la vie en groupe leur apparaît très compliquée. Non seulement ils peinent à respecter les consignes données par la maîtresse, mais en plus ils supportent mal la présence des autres enfants !

Que se passe-t-il dans la tête de ces petits qui sont vite rejetés par les autres enfants et jugés par les adultes qui ont du mal à les supporter ? Quelques-uns ont tout simplement peur de cet univers qui les agresse et se mettent dans une position défensive « d’attaquant ». Ces enfants, que leurs parents décrivent souvent comme calmes et doux en famille, ont souvent été peu préparés à rencontrer d’autres enfants du même âge. Cette obligation de les côtoyer au quotidien nourrit une anxiété vive et déclenche un système de défense phobique.

Les autres, et ils ne sont pas rares, n’ont pas appris, en famille, à maîtriser leurs pulsions. Tous les enfants connaissent dans leur petite enfance, autour de 3, 4 ans justement, un sentiment de toute-puissance qui leur laisse penser qu’ils sont les rois du monde et que la Terre tourne autour de leur nombril. Dominés par ce que Freud a décrit comme le « principe de plaisir », ils vont là où les mènent leurs pulsions : j’ai envie de la petite voiture de mon copain, je la lui prends ; celui-ci ne veut pas me laisser sa place, je le frappe ; celle-là passe avant moi, je la mords.

Ce sont, au quotidien, les parents qui doivent apprendre à leurs enfants la maîtrise de ces pulsions, qui ne va pas de soi. Mais pour qu’une règle s’assimile, elle doit être d’abord expliquée, énoncée avec conviction et enfin respectée. Oui, tu peux avoir envie de prendre la pelle de ta copine, mais si elle ne veut pas te la prêter maintenant, tu attends car elle lui appartient et c’est elle qui décide si tu peux la prendre ou non. Les autres sont comme toi, ils n’aiment pas qu’on les frappe, qu’on les morde, qu’on leur donne des coups de pied. On a le droit de ne pas être content, mais, contrairement aux animaux, on a les mots pour dire les choses.

Le respect de l’autre s’apprend aux enfants, tout comme l’empathie, c’est-à-dire la capacité de se mettre à la place de l’autre. Ils garantissent une vie sociale sereine. Ces enfants qui sèment la terreur dans la cour de récréation n’ont pas intégré ces règles fondamentales. Leurs parents les ont sans doute évoquées, peut-être même répétées, mais ils n’ont certainement pas sanctionné fermement et régulièrement leur transgression. C’est cela qui manque à ces enfants et qui les fait se conduire comme des petits sauvages à l’école. Rien n’est joué à 4 ans, mais il n’y a pas de temps à perdre !

Le Figaro, 07/ 06/08