Après l'annonce de François Hollande d'étaler sur deux ans le passage à la semaine de quatre jours et demi, syndicats d'enseignants et parents d'élèves réagissent en désordre.
Les écoles françaises reviendront-elles à la semaine de quatre jours et demi? En annonçant mardi devant les maires que la réforme allait finalement s'étaler sur deux ans à partir de la rentrée
2013, François Hollande a semé le doute. Il y a une semaine, son ministre de l’Education Vincent Peillon assurait, catégorique, que cela se ferait dès septembre 2013... Mais le Président a plié
face aux maires, qui demandaient un moratoire, arguant du coût financier et en moyens humains, et devant certains syndicats enseignants qui exigeaient des contreparties en échange du mercredi
matin travaillé. Entre soulagés, déçus et attentistes, tour d’horizon des positions des syndicats, des enseignants et des parents d'élèves.
«Un enterrement de première classe de la réforme?»
Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen-CFDT
«Je suis surpris et inquiet de cette annonce. J’avais entendu le
ministre dire la semaine dernière qu’on irait au bout de la réforme. Mais il suffit que le SNUipp (principal syndicat du primaire) tousse un peu et que des maires fassent du bruit pour reculer.
On a du mal à croire que l’on n’assiste pas à un enterrement de première classe de la réforme.
«Il y un problème dans la méthode de la refondation de l'école. On a voulu segmenter les sujets. Au finale, on a fait remonter les conservatismes et les intérêts des uns et des autres, et on a
oublié les grands objectifs visés: arriver à un mieux pour les élèves et mettre fin au décrochage scolaire. Changer l'école, c’est compliqué. Cela bouscule beaucoup d’habitudes. C’est tellement
plus simple de tout laisser en l'état! Je crains que le souffle de la réfondation soit en train de retomber. La question n’est pas seulement de restituer les postes qui ont été supprimés sous
Nicolas Sarkozy. Notre école a aussi de vrais problèmes de fonctionnement. Et il faut avoir le courage politique de les affronter!
«Les communes qui vont être volontaires pour passer à la semaine de quatre jours et demi seront certainement peu nombreuses. Et qui souffre surtout des journées de classe trop lourdes, avec
cette semaine de quatre jours? Les élèves de milieux défavorisés, les premiers touchés par l'échec et le décrochage.» (Photo DR)
«On avait mis en garde contre une réforme précipitée»
Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU
«François Hollande a pris en compte les inquiétudes de certaines
communes qui ne se sentaient pas capables de mettre en œuvre la réforme dès septembre 2013. A cet égard, on est satisfait. On avait nous-mêmes mis en garde contre une réforme précipitée, qui
risquait d’accroître les inégalités. Des communes riches auraient en effet mis en place des activités culturelles et artistiques en fin d’après-midi, dans le temps libéré par le
raccourcissement de la journée de classe. Et les communes pauvres n’auraient pu proposer que de la garderie.
«Mais il ne faudrait pas pour autant en rester au statu quo. L'école doit évoluer. Nous demandons aujourd’hui au ministre trois choses: un allègement des programmes scolaires, la révision du
dispositif d’aide personnalisée qui a alourdi la journée des élèves les plus fragiles, et une meilleure répartition de l’année scolaire avec, dans l’idéal, une alternance entre 7 semaines de
classe et 2 semaines de vacances.
«A propos de l'étalement de la réforme, il reste de nombreuses zones d’ombre. Qui va décider de passer à quatre jours et demi? Selon quelle procédure? Les communes ne peuvent pas décider
seules. Il faudrait que les conseils d'école, qui réunissent parents, élus et enseignants, soient aussi consultés.
«Il faut faire attention aussi à ne pas se retrouver avec une école à deux vitesses, avec des établissements travaillant sur quatre jours et d’autres sur quatre jours et demi. Dans les
premiers, les enseignants continueraient l’aide personnalisée. Dans les seconds, ils auraient un temps pédagogique organisé différemment. Il est d’autant plus urgent que le ministre réunisse
une table ronde sur le sujet, avec tous les acteurs, comme il l’a récemment promis.»
Est-ce que tous les problèmes seront résolus d’ici 2014 ?
Christian Chevalier de SE-Unsa branche représentant les enseignants du primaire et secondaire)
«Disons que le pragmatisme l’a emporté face aux difficultés. Ils
auraient quand même pu réfléchir avant. Visiblement, cette réforme annoncée dès le mois de juin par le ministre Vincent Peillon n’avait pas été pensé dans les détails. Or, on sait que les
détails sont importants. En étalant l’application sur deux ans, cela donne un temps de respiration à la communauté éducative et aux municipalités. Est ce que tous les problèmes seront résolus
d’ici 2014? Je vois mal comment les finances des collectivités soient en meilleur état l’année prochaine. Cette réforme coûte cher et augmenter les impôts locaux en veille des élections
municipales de 2014... Est-ce que ce projet de réforme ira jusqu’au bout? Je me pose la question.» (photo DR)
«Je crains un grand bazar généralisé à la rentrée»
Laurent Escure, secrétaire général d'Unsa education:
«On a besoin d’y voir clair pour la prochaine rentrée. Pour
l’instant, c’est le grand flou. Quelles communes mettront en place la semaine de quatre jours et demi dès septembre? Seulement celles qui le voudront? Les familles comme les profs et les
municipalités doivent savoir rapidement à quoi s’en tenir pour pouvoir s’organiser. Je crains un grand bazar généralisé avec un système à plusieurs vitesses.
«Si on regarde le verre à moitié plein, le Président écoute les difficultés pratiques des municipalités. Mais si on regarde le verre à moitié vide, on peut se dire que François Hollande ne
tient pas ses engagements de campagne. Mais ce que je regrette surtout c’est que depuis plusieurs mois, le débat se focalise sur cette question du rythme scolaire au primaire et on en oublie
les vrais enjeux de la refondation de l’école, comme la réussite des élèves par exemple.»(photo DR)
«L’objectif doit rester la mise en place dès la rentrée prochaine»
Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE, la fédération des parents d'élèves
«Autant l'enveloppe de 250 millions pour aider les communes est une bonne chose que nous
soutenions, autant je ne comprends pas très bien l’intérêt d’étaler l’application sur deux ans. L’objectif doit rester la mise en place dès la rentrée prochaine. Et pour les communes qui ne le
peuvent pas – et qui en apportent la preuve – la possibilité de décaler à 2014.
«Après trente ans de recherche et quatre ans de combat de la FCPE, je ne veux même pas penser à l'éventualité d'un abandon de cette réforme. Cela fait maintenant cinq ans (depuis la réforme
Darcos, ndlr) que les enfants de France ont le plus mauvais calendrier de toute l’OCDE. Il faut se mettre au travail dès maintenant pour changer les choses au plus vite. Si le gouvernement
recule sur cette réforme, que va-t-il rester du grand projet de refondation de l’école? L’entrée à la maternelle plus tôt? Ce serait un simple ravalement de l’école, pas une
refondation.»
(photo AFP)
Lire notre reportage à Lomme, une ville du Nord qui
applique la semaine des quatre jours et demi et quatre témoignages de maires
inquiets de la réforme
vu sur : http://www.liberation.fr/societe/2012/11/21/rythmes-scolaires-c-est-tellement-plus-simple-de-tout-laisser-en-l-etat_862017